L’histoire de la Corse : évolution et transformations d’une île méditerranéenne

histoire de la Corse

L'histoire de la Corse s'étend sur plus de 1,6 million d'années, depuis les premières occupations humaines jusqu'à nos jours. Cette île méditerranéenne a connu de nombreuses influences : phocéenne, étrusque, carthaginoise, romaine, pisane, génoise puis française. Cette histoire riche permet de comprendre comment s'est forgée l'identité corse.

A retenirL'année 1769 marque un tournant décisif dans l'histoire de la Corse avec la bataille de Ponte Novu qui met fin à l'indépendance de l'île et son rattachement définitif à la France.

Des origines à l'antiquité

L'histoire de la Corse débute il y a environ 1,6 million d'années avec les premières occupations humaines attestées sur l'île. Les vestiges archéologiques témoignent d'une présence continue depuis le Paléolithique, notamment dans les abris sous roche de Capula et de Curacchiaghju.

La préhistoire corse

Les plus anciennes traces d'occupation humaine sur l'île remontent au Paléolithique inférieur, comme en attestent les outils lithiques découverts dans la région de Porto-Vecchio. Le Néolithique (6000-2000 av. J.-C.) voit l'émergence d'une culture mégalithique originale, caractérisée par les statues-menhirs de Filitosa et du Taravu. Ces sculptures monumentales représentent des guerriers armés, témoignant d'une société hiérarchisée.

L'époque antique

En 565 av. J.-C., les Phocéens fondent Alalia (aujourd'hui Aléria) sur la côte orientale. Cette cité grecque devient rapidement un comptoir commercial majeur en Méditerranée occidentale. Les Étrusques et les Carthaginois s'opposent à cette présence grecque, aboutissant à la bataille d'Alalia en 540 av. J.-C.

La domination romaine s'établit progressivement à partir de 259 av. J.-C. Rome fonde deux colonies : Mariana au nord et Aleria à l'est. L'administration romaine organise le territoire en civitates, développe le réseau routier et introduit la culture de la vigne et de l'olivier. Les vestiges archéologiques d'Aleria montrent une ville prospère avec son forum, ses thermes et sa nécropole.

Organisation administrative romaine

PériodeStatut administratif
238 av. J.-C.Province de Sardaigne-Corse
27 av. J.-C.Province impériale
67 ap. J.-C.Province sénatoriale

La romanisation de l'île se poursuit jusqu'au Ve siècle de notre ère, laissant une empreinte durable sur la société et la culture corses, visible notamment dans la toponymie et le latin qui donnera naissance à la langue corse.

La période médiévale et la domination génoise

La période médiévale et la domination génoise

La période médiévale et la domination génoise

La période médiévale marque un tournant majeur dans l'histoire de la Corse, avec l'émergence de nouvelles influences politiques et culturelles. Du Ve au XVIIIe siècle, l'île connaît de profondes mutations sous les dominations successives des Vandales, des Pisans puis des Génois.

Les invasions vandales et la christianisation (Ve-XIe siècles)

Après la chute de l'Empire romain en 476, la Corse subit les raids des Vandales qui s'installent en Afrique du Nord. L'île entre dans une période d'instabilité marquée par de nombreuses incursions. La christianisation se poursuit néanmoins, avec la construction d'églises paléochrétiennes comme San Parteo près d'Aléria. Au VIIIe siècle, les Sarrasins multiplient leurs attaques sur les côtes, poussant les populations à se réfugier dans l'intérieur montagneux.

La domination pisane (XIe-XIIIe siècles)

La république de Pise prend le contrôle de l'île au XIe siècle, inaugurant une période de stabilité relative. Les Pisans développent l'agriculture et le commerce, construisent des églises romanes et organisent le territoire en pièves (circonscriptions religieuses et administratives). Cette époque voit l'émergence d'une noblesse locale, les caporali, qui servent d'intermédiaires entre le pouvoir pisan et la population.

L'hégémonie génoise (1284-1768)

La victoire navale de Gênes sur Pise à la Meloria en 1284 marque le début de la domination génoise. La Sérénissime République met en place une administration centralisée depuis Bastia, fondée en 1380 comme siège du gouverneur. Pour protéger l'île des pirates barbaresques, les Génois édifient un réseau de 85 tours de guet le long du littoral entre 1530 et 1620.

Organisation administrative et sociale

Le territoire est divisé en provinces (provincie) et districts (pievi). Les communautés rurales conservent une certaine autonomie dans la gestion des terres communes. La société s'organise autour des notables ruraux et du clergé. Les Génois construisent les citadelles d'Ajaccio (1492) et Calvi (1495) pour asseoir leur pouvoir militaire.

Tensions et révoltes

La période génoise est marquée par des tensions récurrentes : fiscalité pesante, monopole commercial, justice partiale. Des révoltes éclatent régulièrement, comme celle de Sampiero Corso (1564-1567). L'administration génoise, perçue comme coloniale, suscite un mécontentement croissant qui culminera avec la grande révolte de 1729.

La naissance de la nation corse

La naissance de la nation corse

La naissance de la nation corse

La période 1729-1769 marque la naissance d'une véritable conscience nationale corse, à travers une révolution contre l'autorité génoise qui aboutit à la création d'un État indépendant démocratique sous l'égide de Pascal Paoli.

La révolution contre Gênes (1729-1755)

En décembre 1729, une révolte fiscale éclate dans la piève de Bozio contre la collecte des "due seini", un impôt génois. Le mouvement s'étend rapidement à toute l'île. Les insurgés parviennent à prendre le contrôle de plusieurs places fortes, dont Bastia en 1730. Face à cette situation, Gênes fait appel à l'empereur Charles VI qui envoie des troupes en 1731, sans parvenir à rétablir durablement l'ordre.

L'épisode du roi Théodore (1736)

En avril 1736, un aventurier allemand, Théodore de Neuhoff, débarque en Corse et se fait proclamer roi sous le nom de Théodore Ier. Il instaure une première forme d'État avec une administration et une monnaie. Son règne ne dure que huit mois, mais constitue la première tentative d'organisation étatique indépendante.

La république paolienne (1755-1769)

En 1755, Pascal Paoli est élu général de la nation corse. Il met en place une constitution démocratique innovante qui instaure :

  • Le suffrage universel masculin à partir de 25 ans
  • Une assemblée législative (la Consulta)
  • Un pouvoir exécutif dirigé par le général
  • Un système judiciaire indépendant

L'œuvre de Paoli

Paoli crée l'université de Corte en 1765, première université corse dispensant un enseignement en italien. Il organise l'administration en pièves, fait frapper monnaie et développe le commerce maritime. Sa république est saluée par les philosophes des Lumières comme Rousseau et Voltaire.

La fin de l'indépendance

Le 9 mai 1769, les troupes françaises écrasent l'armée corse à la bataille de Ponte Novu. Pascal Paoli s'exile en Angleterre. Cette défaite marque la fin de l'indépendance corse et le début de l'administration française sur l'île.

L'intégration à la France

L'intégration à la France

L'intégration à la France

L'intégration de la Corse à la France débute officiellement avec le traité de Versailles du 15 mai 1768, par lequel la République de Gênes cède ses droits sur l'île au royaume de France. Cette période marque un tournant majeur pour l'île qui, après des siècles d'administration génoise, entre dans une nouvelle ère.

L'établissement de l'administration française (1768-1789)

Après la défaite des troupes de Pascal Paoli à Ponte Novu en 1769, l'administration française s'installe progressivement. Le comte de Vaux devient le premier gouverneur, suivi par le comte de Marbeuf qui administre l'île jusqu'en 1786. Cette période voit naître à Ajaccio, le 15 août 1769, Napoleone Buonaparte, futur Napoléon Bonaparte, qui transformera profondément la France et l'Europe.

La francisation s'opère notamment par l'installation de garnisons militaires et l'envoi de fonctionnaires continentaux. Les nobles corses obtiennent leur intégration à la noblesse française. L'administration met en place une politique fiscale et judiciaire calquée sur le modèle français.

La période révolutionnaire et le XIXe siècle

En 1789, la Corse adhère avec enthousiasme aux idéaux révolutionnaires. L'Assemblée nationale décrète son rattachement définitif à la France le 30 novembre 1789. En 1793, l'île est divisée en deux départements : le Golo (actuelle Haute-Corse) et le Liamone (actuelle Corse-du-Sud).

Le XIXe siècle est marqué par une modernisation progressive : construction de routes, développement des ports d'Ajaccio et de Bastia, création d'écoles. La population reste majoritairement rurale et l'économie demeure largement agricole.

Le XXe siècle : guerres et mutations

Les deux guerres mondiales touchent durement l'île. La Première Guerre mondiale cause la mort de 12 000 soldats corses. Durant la Seconde Guerre mondiale, la Corse devient le premier département français libéré en septembre 1943.

Les années 1960-1970 connaissent des transformations économiques majeures avec le développement du tourisme et l'installation des rapatriés d'Algérie. Cette période voit également l'émergence de revendications autonomistes puis nationalistes, notamment avec la création du FLNC en 1976.

Évolutions institutionnelles récentes

En 1982, la Corse obtient un statut particulier qui la distingue des autres régions françaises. La loi du 13 mai 1991 reconnaît l'existence d'un "peuple corse". En 2018, la création de la Collectivité de Corse fusionne la région et les deux départements en une entité unique, dotée de compétences élargies en matière d'aménagement, de développement économique et de préservation culturelle.

L'essentiel à retenir sur l'histoire de la Corse

L'essentiel à retenir sur l'histoire de la Corse

L'histoire de la Corse continue de s'écrire avec la création de la collectivité unique en 2018, renforçant son autonomie administrative. Cette évolution institutionnelle pourrait préfigurer de nouveaux changements dans l'organisation territoriale de l'île. Les défis actuels concernent la préservation de son patrimoine historique et culturel tout en développant son économie.